Cet article vise à répondre à tes questions, voire tes inquiétudes, sur le mentorat d’un⋅e jeune en situation de handicap. Tu t’interroges peut-être sur ta posture de mentor ? Il est même possible que tu aies (malgré toi !) des idées préconçues sur le handicap et sur les personnes en situation de handicap. C’est ici l’occasion d’y voir plus clair 🤓
La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 définit le handicap de la façon suivante :
« Constitue un handicap, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »
💡 Connais-tu la différence entre une personne handicapée et une personne en situation de handicap ? Dans la seconde proposition, c’est la situation, le contexte qui handicape et non pas la personne qui est handicapée en soi. C’est pourquoi on t’invite à éviter de parler de “personne handicapée”, ce terme est stigmatisant.
Il existe différentes familles de handicap ; parmi ceux que tu es la/le plus susceptible de croiser dans le cadre du mentorat il y a :
Comme pour toutes les relations de mentorat, le point de départ, ce sont les envies, intérêts et passions de ta/ton jeune, ou que vous avez en commun. Le handicap n’est pas forcément le sujet central du mentorat, vos séances peuvent être une bulle pour ta/ton jeune 🙂
Chaque jeune a des besoins particuliers : n’hésite pas à lui demander quels sont ses envies et besoins afin que vos séances se passent au mieux. Et tu peux communiquer à ta/jeune directement, ou à sa famille, quand tu te poses des questions.
Attention par contre à doser ta curiosité ! Tu n’as pas besoin de connaître l’historique ou le dossier médical de ta/ton binôme pour être un⋅e bon⋅ne mentor. L’important est de t’assurer des bonnes conditions dont elle/il a besoin pour son bien-être. Ta/ton référent⋅e Afev t’en informera certainement en amont, et n’hésite pas à te renseigner auprès de ta/ton mentoré⋅e sur ses besoins.
Le diagnostic des situations de handicap peut être évolutif, et doit être posé par des professionnel⋅les : rassure-toi, on n’attendra jamais de toi, ni de l’Afev, de diagnostiquer des situations de handicap : ce n’est pas notre rôle. Mais nous pouvons faire le relai de situations que l’on remarque ! En tant que mentor, tu fais partie d’une équipe éducative qui évolue aux côtés de la/du jeune : n’hésite pas à communiquer à ta/ton référent⋅e Afev tes astuces, ce qui met ta/ton jeune à l’aise, ou au contraire tes difficultés.
Dans un premier temps, en plus du remplissage du chatbot aiko, sens-toi libre d’appeler autant que tu le sens ta/ton référent⋅e : nous sommes là pour toi 🙂
Et si jamais tu fais face à un moment de crise ?? Rassure-toi, tu ne seras jamais seul⋅e avec ta/ton jeune : tu interviendras en public, ou mieux, avec la famille de ta/ton jeune, qui a sans doute des pistes pour apaiser ta/ton mentoré⋅e.
Ça va bien se passer, ta/ton référent⋅e Afev est là si besoin 🧑🤝🧑
Et souviens-toi : tout le monde, en situation de handicap ou non, a des besoins particuliers, même toi 😉 ! Le handicap ne définit pas ta/ton jeune : ta/ton binôme a pleins de choses à partager avec toi, ça va être très chouette !
Témoignage 1 : Christelle, maman d’un enfant en situation de TDAH
Je n’avais pas d’appréhension autour du mentorat, ça ne pouvait être que bénéfique qu’une personne extérieure intervienne. Le mentorat apporte un soutien pour faire des activités : mon fils peut faire des activités et progresser pour faire ses devoirs avec une personne qui n’est pas de la famille. Son bénévole est une personne sur qui il peut compter. Je n’ai pas constaté de difficultés liées à l’hyperactivité de mon fils.
Nous sommes très satisfaits du mentorat car cela permet aux enfants de faire des choses qui ne feraient pas autrement. Tout se fait dans la simplicité. Le mentorat a aussi aidé à canaliser mon fils car il a un repère dans la semaine. C’est un temps d’échanges supplémentaire avec des jeux et des temps qu’on ne ferait pas. Je ne sais pas si mon fils a évolué, mais en tout cas il fait très bien les leçons avec son bénévole. C’est vraiment un plus pour lui. Cela permet d’apprendre à l’enfant de ne pas se retrancher à ce qu’il connaît déjà : le mentorat fait qu’il est moins sur les écrans, et lui permet de découvrir de nouvelles activités. J’espère que le mentorat va continuer l’année prochaine avec son bénévole.
Témoignage 2 : Alexandre, bénévole d’un jeune en situation de TDAH
J’ai été intéressé par l’accompagnement d’un jeune qui venait d’un milieu différent du mien. Je voulais voir comment on pouvait grandir autrement, tout en étant aussi bien entouré. Le binôme avec Damien a bien fonctionné dans un premier temps grâce à la maman qui était très présente. Mon jeune et moi étions tous les deux un peu impressionnés par le mentorat.
Le TDAH de Damien a été évoqué depuis le début par ma référente Afev avant la première rencontre. Je savais qu’il avait une particularité qui faisait que, pour moi et au premier abord, ça pouvait être différent et engendrer de nouvelles choses. J'étais peu renseigné là-dessus. Dans mon cursus de psychologie, j'étais plus attentif quand on a abordé la question de son handicap. Je voulais avoir des comportements adaptés en fonction de lui. On a commencé à vraiment se rencontrer quand on a fait des séances, seuls à l’extérieur. Il essayait de toujours bien se comporter durant les séances. Cela nous a permis de développer une relation d’amis, avec une différence d’âge qui compte dans la relation.
Un bon souvenir récent entre lui et moi, c’est quand je suis allé dans sa nouvelle maison. Il était très content de me faire visiter. Il a pu me montrer les nouveaux endroits où il allait vivre et comment il comptait les aménager. On a joué au foot alors que je n’aimais pas vraiment ça, mais je me suis bien débrouillé. Ça nous a rapprochés.
Durant les séances, il ne s’est jamais rien passé de particulier concernant le TDAH de Damien. Je pense qu’il se concentrait énormément pour être calme et respectueux envers moi. Quand je partais, je voyais qu’il était réticent à l’idée de prendre sa douche et manger, il trouvait toujours un prétexte pour faire autre chose. Je pense que c’est dû au fait qu’il essayait d’être carré avec moi pour être respectueux, et donc il lâchait à mon départ. Ce sont les seuls moments où je le voyais dans son hyperactivité, il était absorbé par ses activités, peu importe ce que disait la maman. Il n’y a eu qu’une fois où j’ai senti qu’il montait en pression durant la séance. On avait fait une activité avant qui avait mobilisé beaucoup de concentration pour lui. Après, on est allé jouer au baby-foot et j’ai senti qu’il montait sous pression. Il m’a dit “fais pas ta cochonne”. C’était la première fois en plus de 10 séances avec lui que j’ai dû mettre du cadre et lui dire que ce n’était pas correct, qu’il devait se calmer. Je n’en ai pas parlé avec la maman car il s’est vite calmé ensuite et il a compris qu’il n’aurait pas dû dire ça. Après, il était toujours énervé, je n’y pouvais rien, mais il a mobilisé plus d’efforts pour se concentrer sur la séance. De manière générale, je savais que c’était quelque chose qui pouvait arriver en dehors du TDAH, en faisant du mentorat avec un adolescent qui ne sait pas toujours où mettre les limites. J’étais presque surpris que ça n’arrive pas plus tôt. Ce n’était pas agréable mais c’était presque anecdotique pour moi, je l’avais intégré dans l’expérience entière du mentorat. Le fait qu’il ait un TDAH donne une explication sur ce comportement, bien que cela ne l’excuse pas totalement.
Le handicap, si on peut appeler ça un handicap, n’était pas physique chez mon jeune. On a donc pu faire toutes les activités que l’on souhaitait. De manière générale, je pense qu’il ne faut pas avoir peur et se sentir limité par le handicap de son jeune. Le fait que ce soit un adolescent nécessite encore plus d’écoute et de poser des questions. Mon jeune sort de l’enfance, mais il y est encore. Il est donc, pour moi, important de l’intégrer dans une discussion adaptée à son âge, sans s’adresser toujours directement à la maman. Handicap ou pas, c’est important à son âge de l’intégrer un maximum dans l'organisation et le contenu du mentorat. C’est encore plus important avec le handicap de Damien car il se connaît mieux que quiconque. Damien a du mal à poser les mots sur son handicap, ses émotions… C’est important d’arriver à donner une place à ses ressentis.
Je n’ai jamais ressenti le besoin de poser des questions sur sa particularité, mais plutôt sur comment il vivait les choses à l’école et dans certains domaines. Je l’ai questionné sur son contexte de vie et comment son handicap pouvait l’impacter. J’ai aussi eu une discussion avec la maman autour du handicap quand Damien bricolait dans sa chambre. J’ai pu lui poser des questions plus personnelles quand le sujet est arrivé entre elle et moi : le traitement, comment ça se manifestait avant le traitement, quel impact dans la famille. Elle n’a pas posé de limites et en parlait librement. Donc, je pense que tout dépend de l’impact du handicap sur le mentorat, car de mon côté il était faible, voire inexistant, c’était vraiment centré sur des échanges pour le connaître. Si le handicap avait été plus lourd, on aurait réfléchi s’il fallait mettre des choses en place, comment aménager des espaces si certaines choses ne peuvent pas être faites.
Pour conclure, je pense qu’il ne faut pas voir son jeune au travers du spectre du handicap et prendre le moment comme il vient.
Témoignage 3 : Séyivé, bénévole d’un jeune en situation de polyhandicaps
Je suis étudiante et je viens de valider ma première année de droit. J’ai ainsi commencé à suivre Raphaël début novembre. Ma référente m’a appelé pour me prévenir que c’était un enfant en situation de handicap et m’a demandé si j’étais à l’aise. Moi, ça ne m’a pas dérangée ni inquiétée, c’est une expérience en plus.
Mon jeune est un garçon qui met à l’aise les gens directement alors que moi je suis quelqu’un d’introvertie. Il a une passion pour les voitures donc on a directement eu un sujet de discussion. On faisait des jeux de société pour apprendre à se connaître de manière informelle. Son handicap moteur est notamment lié à des problèmes de dos. Il ne peut donc pas porter de choses lourdes, comme son sac à dos. Il est aussi malentendant mais appareillé. Un de nos meilleurs souvenirs c’est notre dernière sortie au cinéma. On y est allé avec son petit frère et j’ai vu qu’il était très content du mentorat et que ça avait fait du bien à Raphaël d’avoir une personne extérieure pour discuter avec lui de l’école, du brevet…
J’ai eu des difficultés pour poser des sorties et des rendez-vous pour se voir liés à nos emplois du temps : il avait énormément de rendez-vous médicaux, et moi, j’avais des cours qui terminaient parfois tard. On aurait voulu faire plus de sorties mais il ne pouvait pas toutes les faire (patinoire, parcs d'attractions). La maman m’a dit que c’était trop risqué pour lui. Le cinéma était très approprié. Les autres alternatives comme le musée ne lui plaisait pas. Si j’avais eu le temps, je l’aurais emmené plus de fois au cinéma.
Si j’avais un conseil à donner aux prochain⋅es bénévoles, ce serait qu’il faut être attentif, pour tous les enfants, en situation de handicap ou non. Il faut aussi avoir de la patience, notamment pour les jeunes qui ont des problèmes de concentration en trouvant des alternatives. Avec mon jeune, on écoutait de la musique pour faire des minis-pauses et se remettre ensuite au travail. En général, notre mentorat nous a apporté à tous les deux. J’ai pu lui apprendre à mieux s’organiser dans ses devoirs et de mon côté le mentorat m’a appris à gérer les séances pour trouver une organisation qui allait nous satisfaire à tous les deux. Je retiens aussi beaucoup d’amusement. Quand on jouait au Times Up, c’est le moment où on rigolait qui m’a le plus plu. Son handicap n’a pas été l’un des facteurs les plus présents, au fil des séances ça s’effaçait un peu. Je ne regrette pas ce mentorat, ça m’a beaucoup plu et apporté et ça m’a permis d’avoir quelque chose à côté de mes études qui m’a aidé à réussir mon année. En réalité, le mentorat on le fait pour les enfants, mais ça sert aussi aux bénévoles.
Témoignage 4 : Elise, bénévole d’une jeune dys
Je fais du mentorat dans le cadre du SNU où je dois réaliser une mission de 84h dans une démarche d’entraide dans la société. J’ai choisi l’Afev car le mentorat me semblait intéressant et c’était un moyen d’aider quelqu’un directement.
Ma mentorée s’appelle Julie, elle était en 5e cette année, et elle est dyslexique et dysorthographique. Ensemble, on fait surtout de l’aide aux devoirs mais aussi des activités ludiques dans le cadre du mentorat à distance. J’ai su ses difficultés car ma référente m’avait prévenu avant la rencontre du profil de Julie. Lors de la rencontre, on en a aussi parlé avec Julie et ma référente Afev. Puis, pendant la première séance, avec seulement Julie, je lui ai demandé de quels types d’aides elle avait besoin et quelles étaient ses difficultés. Elle m’a répondu qu’elle aimerait que je reformule des consignes, que je l’aide à trouver parfois des synonymes pour certains mots pour une meilleure compréhension, que je lise les textes trop longs, et aussi que je lui épelle des mots qu’elle a du mal à écrire. Il y a beaucoup de documents avec des textes à étudier au collège donc je l’aidais généralement comme cela. J’ai un bon souvenir avec elle, quand on a fait une séance sur un site où une personne dessine, c’est comme un pictionnary sur internet (LetsDraw.it). J’avais trouvé ce site sur la Ressourcerie Afev. C’était drôle, même si c’était parfois compliqué de dessiner sur un ordinateur. Cette activité lui a fait aussi travailler son vocabulaire car cela indiquait le nombre de lettres qui correspondaient au mot et elle pouvait ainsi s’entraîner à épeler le mot.
Je n’ai pas eu de difficultés liées à son handicap. C’était plus compliqué d’un côté logistique de vérifier que c’était bien écrit à distance car il y avait plusieurs étapes : elle prenait en photo ou scannait ses documents pour me les envoyer. J’ai tout de même réussi à l’accompagner, sans aucune gêne. Sinon, nous n’avons pas rencontré de difficultés car on s’est adaptées, les exercices étaient faisables avec une plus grande attention portée aux textes.
Mon conseil pour des prochains bénévoles qui vont accompagner des jeunes avec des troubles dys, c’est de demander aux jeunes dès les premières séances, sur quels points ils ont besoin d’accompagnement pour savoir comment les aider. Ils savent ce dont ils ont besoin, et sinon il ne faut pas hésiter à communiquer avec la famille sur les besoins de l’enfant. Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de demander de l’aide à sa référente Afev et de rechercher des ressources avec l’aide de l’association car sur internet il ne faut pas suivre tout ce qui est écrit, c’est moins fiable. Pour ma part, je continue avec Julie l’année prochaine !